À la suite de l’annonce de la ministre de la reprise des cours en école de musique au 15 décembre, excluant le chant, notre question est : y a-t-il des raisons scientifiques de considérer les pratiques vocales comme dangereuses ? Les études que l’on trouve à lire sont contradictoires sur le sujet.
La principale réponse est qu’on est encore dans l’incertitude.
Deux préalables. Dans les études, tout dépend de la manière de mesurer les choses, à commencer par la taille des gouttelettes ou aérosols. Pour moi au-delà de 5 µm je nomme cela postillon ou gouttelette et en dessous, aérosol. Les mesures des aérosols ne sont pas toutes optimales pour toutes les plages de tailles d’aérosols. Suivant la technique utilisée pour mesurer, on trouve une distance d’émission plus ou moins grande. Évidemment, plus les gouttelettes sont grosses et plus elles tombent vite au sol. Les aérosols les plus petits restent en suspension dans l’air, mais contiennent moins de virus. Le rapport de taille entre postillon et petit aérosol peut aller jusqu’à 1000. Les mesures ne peuvent pas prendre en compte toutes les tailles.
La seconde notion importante à connaître est celle de «supercontaminateur». Pour une raison qu’on ignore, 80 % des transmissions se font avec seulement 10 % des infectés. C’est une des principales justifications d’éviter les rassemblements trop nombreux. Pour l’instant, on ne sait pas reconnaître les supercontaminateurs.
Dans le cas particulier du chant, on trouve des études qui disent qu’en chantant on fait x fois plus d’aérosols qu’en parlant. Le x varie suivant la taille d’aérosol mesurée. Ceci explique que ces études sont toutes justes mais semblent contradictoires. La plupart des mesures, en fonction des méthodes de mesures et des tailles mesurées, orientent vers des émissions plus importantes d’aérosols pour la voix chantée que pour la plupart des instruments à vent. Il n’est pas certain par contre que le chant transmette plus le virus, on n’en sait rien, parce qu’on ne sait pas si les aérosols plus nombreux contiennent plus de virus ni s’ils sont plus infectants. On a constaté plus de clusters parmi des chœurs professionnels ou amateurs que dans des orchestres. Mais on est jamais sûr de ce qui s’est passé dans les coulisses pour pouvoir incriminer seulement le chant.
Une étude surprenante pour les instruments à vents montre par exemple qu’une trompette émet 100 fois plus d’aérosols qu’un tuba. On n’a pas de chiffres publics sur le vrai nombre de clusters dans les chœurs (pourtant on pourrait probablement en avoir si les obstacles administratifs à utiliser les données de l’Assurance maladie étaient levés).
Cependant, on peut dire que pour les chœurs d’enfants, il n’y a pas de supercontaminateurs, ils sont même tous très peu contaminants. On n’a eu aucun collège entier fermé. Jusqu’à 15 ans on peut dire que c’est vraiment sans grand risque. D’autre part, les conduites à tenir devraient être dynamiques et pas statiques. Avoir les mêmes règles sans tenir compte des variations de Ro régionales n’a pas de sens. A Brest en ce moment il ne se passe pas grand chose, alors le risque est moindre qu’en Île-de-France. Uniformiser les règles sur le pays n’a donc pas de sens.
La notion de risque est importante à apprivoiser. Il y aura toujours un risque, comme il y en a un pour la grippe ou la tuberculose. Mais il faut décider du niveau de risque acceptable en fonction des circonstances. Dans les chœurs d’adultes, il faut être attentif à ceux qui ont des facteurs aggravants pour le Covid, qui devraient éviter les rassemblements. Les chœurs de jeunes en bonne santé risquent bien moins que les chœurs de personnes âgées si elles ont une pathologie. J’envoie ma fille de 8 ans chanter sans aucun souci.
Efficacité du masque : il est vrai qu’une partie des aérosols passent dans le masque. Mais les masques filtrent quand même beaucoup. On a eu dans les équipes, à l’hôpital, moins de cas de Covid dans les services Covid que dans les autres dans la première vague, ce qui veut dire que le port du masque systématique protège, et pour l’émetteur et pour le récepteur. Les autres paramètres importants sont distanciation, temps de répétition et aération.
Si l’ÉN continue, en cours d’éducation musicale, de faire chanter les collégiens avec des masques, cela représente un brassage au moins 100 fois supérieur (en termes de population) aux chorales de conservatoire. On peut donc dire que reprendre les chœurs de conservatoire avec les mêmes règles qu’au collège n’ajouterait pas de risque significatif.
Proposer des aménagements : diviser les groupes, limiter la durée des cours et permettre un temps d’aération, chanter avec masques au-dessus d’un âge à définir.